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Les salafistes à la conquête des mosquées

Selon un récent bilan du ministère de l’Intérieur, quatre-vingt-neuf lieux de culte sont passés sous influence salafiste et quarante-et-un font l’objet d’une poussée radicale. Ce chiffre a plus que doublé en quatre ans.

Jour après jour, les salafistes s’implantent dans les mosquées et salles de prière de France. Ainsi le nombre de lieux de culte sous leur emprise est-il passé de quarante-quatre à quatre-vingt-neuf entre 2010 et 2014. Les services de renseignements ont également identifié une quarantaine de mosquées sur le point d’être déstabilisées par ce que les experts appellent les « attaques salafistes ».
Activistes, les salafistes installent généralement une petite salle de prière ou ouvrent une école ultra-orthodoxe non loin du lieu de culte visé.

Leur méthode est bien rodée. « Ensuite, ils laissent infuser leurs thèses radicales qui plaisent aux jeunes et alimentent des rumeurs sur la prétendue mauvaise administration du lieu de culte en exigeant la convocation d’une assemblée générale, explique un spécialiste de l’islam radical. Lorsque les imams en place, souvent de vieux chibanis [« vieillard, vieil homme aux cheveux blancs » (NDLR)] ayant une gestion à l’ancienne, se trouvent dépassés, les salafistes exigent la convocation d’une assemblée générale avant de prendre le pouvoir dans l’association cultuelle… » Grâce à l’argent saoudien, ils se sont infiltrés un peu partout.

FOYERS D’INCUBATION DU TERRORISME
Le salafisme est aujourd’hui le courant de l’islam le plus dynamique et le plus missionnaire. Il rejette l’islam institutionnel, considéré comme un avatar de la « religion des judéo-croisés », et condamne en bloc les imams des mosquées modérées, assimilés à des « traîtres ». Il prêche un islam littéral, particulièrement pieux. Le mot vient d'ailleurs de salaf al-salih, « les pieux ancêtres » – en l’occurrence les compagnons de Mahomet et les deux générations qui lui ont succédé. Pour les salafistes, il s'agit du seul islam véritable.
Dans les faits, ces derniers prônent un retrait du monde et une rupture quasi totale avec les non-musulmans, par définition impurs, afin de se consacrer à la religion, précise un expert du bureau des cultes du ministère de l’Intérieur. Obéir aux lois françaises revient à « cautionner un ordre impie ». Les comportements quotidiens sont codifiés selon une logique propre aux sectes : d’un côté, le « halal », ce qui est licite ; et de l’autre, le « haram », ce qui ne l’est pas. Pour se distinguer et afficher le sentiment d’élection qui les habite (de tous les musulmans, ils pensent être les seuls à mériter le paradis d’Allah), ils portent une barbe ostensible et la djellaba de rigueur.
La frontière est ténue entre le terrorisme et le salafisme. Les candidats au djihad convertis au salafisme ne manquent pas. Ce fut le cas de Mohamed Merah ou des frères Kouachi, mais aussi des bourreaux français et britanniques filmés en train de décapiter des otages en Syrie. « Le salafisme ne conduit pas de façon systématique à la violence physique, mais il faut reconnaître que le néosalafisme d’aujourd’hui peut être un sas », concède Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences Po Lyon. En somme, si tous les salafistes ne deviennent pas des djihadistes, la plupart des djihadistes sont passés par le salafisme. Les services de renseignement craignent donc que ces mosquées françaises sous influence ne fonctionnent comme des « couveuses » et des foyers d’incubation du terrorisme.

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