Dans la banlieue de Londres, les services publics cèdent sous le poids des immigrés

Nous avons relevé dans Le Monde du 28 novembre 2013 un article assez surprenant si on le compare à celui de David Rose publié dans The Gardian/The Observer du 6 avril 2008.

Le journaliste anglais était resté près de deux mois dans la ville de Slough , banlieue populaire du Bershire, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Londres, afin d’observer les effets de l'immigration. Voici ce qu’écrivait la rédaction du journal dans la présentation de son article : « Tandis que, la semaine précédente, un comité de la chambre des Lords avait constaté, dans un rapport, que l'immigration ne présentait aucun avantage économique, il [le journaliste, ndlr] en était arrivé à une conclusion très différente : l'économie locale était en plein essor, les prix de l'immobilier étaient en hausse, les écoles et les hôpitaux fonctionnaient bien. La ville montrerait-elle au reste du pays la marche à suivre ? »

Aujourd'hui, un peu plus de cinq ans après, si l'on en croit l'envoyé spécial du Monde à Slough, la situation est bien différente. D’après Éric Albert, Slough, en accueillant une immigration inconsidérée qui pousse les Britanniques à ne plus vouloir travailler dans « une ville qui ne compte désormais qu'un tiers de Britanniques blancs, selon le dernier recensement », montre bien la voie que suit l'Angleterre.

Le journaliste évoque ses rencontres : « Avec le recul, Grzegorz Sommerfeld aurait préféré ne pas venir au Royaume-Uni. Voilà trois ans et demi que ce Polonais de vingt-neuf ans a débarqué à Slough (…). Et il enchaîne les galères. Il est d’abord passé de petit boulot en petit boulot, puis s’est progressivement retrouvé sans emploi ni logement. Il dort entre un squat et une chambre qu’un ami met à sa disposition quand celui-ci travaille de nuit. "Mais pas question de repartir en Pologne sur un échec. Je veux gagner un peu d’argent avant de faire mes valises", lance-t-il. »

Le journaliste du Monde côtoie une population excédée. Au Serena Hall, foyer pour sans-abri, il apprend que les Polonais représentent à peu près la moitié de la « clientèle » : « Leur arrivée a débuté il y a une décennie, avec l’autorisation donnée en 2004 aux habitants de huit nouveaux États membres de l’Union européenne, dont la Pologne, de venir travailler au Royaume-Uni. À l’époque, seules la Suède et l’Irlande avaient fait de même, tandis que d’autres comme la France et l’Allemagne retardaient l’échéance. »

Alors que le gouvernement britannique tablait sur 13.000 entrées par an, 900.000 personnes sont arrivées en dix ans. C’est cette immigration qu’a ciblée le premier ministre, David Cameron, dans sa tribune au Financial Times du 27 novembre 2013, remettant en cause la libre circulation au sein de l’Union européenne.

Pendant ce temps, le journaliste du Monde constate que, même parmi les plus pauvres, les tensions croissent. Un sans-abri lui explique : « Nos infrastructures croulent sous le poids des nouveaux arrivants. On est une petite île, et on ne peut plus faire face. » Analyse qui frappe au cœur des préoccupations des Britanniques. Car, d’après les sondages, l’immigration est désormais la deuxième source d’inquiétude de ces derniers, derrière l’économie.

Si, entre les recensements de 2001 et 2011, la population d’Angleterre et du Pays de Galles a augmenté de 7 %, l’immigration, légale dans son immense majorité, en est la principale cause. Celle-ci débarque des nouveaux pays membres de l’UE – un cinquième des arrivées –, mais aussi du sous-continent indien, d’Afrique, du Proche-Orient et d’Europe occidentale… Le tout se concentre majoritairement dans des villes comme Slough – où la population a fait un bond de 18 % en une décennie –, bassin d’emplois faiblement qualifiés parmi tant d’autres, qui attire les nouveaux venus.

Éric Albert nous livre un portrait haut en couleur de cette ville : « Sa rue principale témoigne de cette diversité. Aux épiceries tenues par les Indiens succèdent désormais celles des Polonais, vendant charcuterie et confiture du pays. Le café du centre commercial est tenu par un Libanais, qui a embauché une Polonaise, une Hongroise, une Ghanéenne et un Afghan. Dans la boutique proposant des petits prêts bancaires – généralement quelques centaines d’euros, destinés à boucler les fins de mois –, quatre des cinq employés sont polonais. » Et de rapporter que les frictions demeurent cependant « limitées » pour une ville « qui ne compte désormais qu’un tiers de Britanniques blancs, selon le dernier recensement ». Robert Burzynski, ingénieur polonais, explique ce phénomène : « Il y a tellement d’immigrés qu’il est difficile de s’en prendre à un groupe en particulier. » Anna Wright, conseillère municipale de Slough, elle-même polonaise arrivée en 2005, le confirme : « Les communautés ne se mélangent pas nécessairement, mais il n’y a pas vraiment de tensions entre elles. »

Selon le journaliste, les employeurs sont ravis de cette main-d’œuvre à bas coût : « Les nouveaux immigrés sont plutôt appréciés, notamment par les employeurs, qui les trouvent durs à la tâche et peu exigeants sur les conditions de travail. A CIP Recruitment, agence d’intérim spécialisée dans l’agroalimentaire, 95 % des 600 employés sont étrangers. »

Revenant à son principal constat sur le poids des immigrés dans les services publics et les infrastructures, Éric Albert cite la directrice de la mairie de Slough, Ruth Bagley : « Nous avons 6.500 logements sociaux, tous occupés, et une liste d’attente de 7.500 personnes. Nous avons onze écoles secondaires, mais les projections indiquent qu’il faut en construire six et demi de plus. Dans les frontières administratives de la ville, c’est impossible à réaliser. Slough a toujours été une ville très accueillante, mais la pression est telle que les limites physiques sont atteintes. »

Et le journaliste d’ajouter qu’« il n’y a pas que les autorités publiques qui se plaignent ». Par exemple, le YMCA, qui sert de logement d’urgence pour personnes en difficulté, dresse également un constat dramatique. Colin Young, son directeur, raconte : « Les travailleurs sociaux n’ont plus le temps de s’occuper comme il le faut de leurs dossiers. Pour moi qui suis né à Slough, je suis content qu’il y ait de l’immigration : ça rend l’endroit beaucoup plus intéressant. Mais nous sommes allés trop loin, et nous n’arrivons plus à faire face. »

Le YMCA a aussi un foyer recevant six mineurs en difficulté : trois viennent d’Afrique, deux d’Afghanistan et un est britannique.

 

Même Edward Reiss, le président du YMCA local, explique qu’« il faut être beaucoup plus restrictif pour réduire le nombre d’arrivants ». Et le journaliste du Monde de conclure : « Désormais, même les travailleurs sociaux appellent à un durcissement des frontières… »

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