ROMANICHE LS*

La “chasse aux Roms”, ou le tonneau des Danaïdes

Le mois d’août a été rythmé par les troubles causés par certains Romanichels en situation illégale. Confrontée à l’exercice du pouvoir, la gauche s’est divisée sur ce problème. Finalement, les postures sécuritaires du ministre de l’Intérieur Manuel Valls sont fortement compromises par le laxisme de son propre camp.

Ce fut le grand feuilleton politique de l’été : la prétendue « chasse aux Roms » menée par un « premier flic de France » se voyant en émule de l’inflexible Clemenceau. Retour sur les faits. Le coup d’envoi de la séquence médiatique est lancé le 9 août, avec le « déplacement » de 200 personnes près de Lille : un premier camp, à Hellemmes, où résidaient environ 150 Romanichels, a été démantelé en début de matinée, puis un autre, à Villeneuve-d'Ascq, abritant une cinquantaine d’immigrés illégaux. Le mardi 14 août, une cinquantaine d’autres ont encore été expulsés, au matin, d'un immeuble qu'ils occupaient illégalement dans le 7e arrondissement de Lyon. Clou de l’opération, le 27 août, un campement de Romanichels a été démantelé dans l’Essonne, à Evry, fief du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Presque une provocation ! Et pourtant, entre Marseille, La Courneuve, Vaulx-en-Velin, Lille, Dijon, Lyon, Saint-Etienne, Villeurbanne... seules 800 personnes ont été expulsées en trois semaines. Résultat parfaitement comparable à la pseudo-politique de lutte contre l’immigration affichée par ses prédécesseurs place Beauvau : Guéant, Hortefeux et Sarkozy…
A gauche, on s’oppose, on crie, on s’indigne : la gestion du dossier des Romanichels déplaît. Le seul soutien de Valls serait à trouver à droite – comme chez Eric Ciotti, député UMP, qui assure le soutenir s’il continue sur sa lancée. Alors que penser ? Valls, cheval de Troie au sein du gouvernement Hollande ?

 

 

Le 13 août, la nouvelle directrice des Inrockuptibles, Audrey Pulvar, s’adressait directement au président de la République : « Cher François, on n’a pas voté pour ça. Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. […] Le changement, c’est maintenant qu’ils disaient. » De son côté, Bruxelles vient de remettre la France sous surveillance en raison de sa politique d’expulsion des Romanichels en situation illégale ! Ce qui explique en partie que le gouvernement ait organisé, le 22 août, une réunion interministérielle sur les opérations de démantèlement des campements illicites et leur « accompagnement ».
Manuel Valls y a obtenu que « les expulsions sur décision de justice se poursuivent »… ce qui est bien la moindre des choses ! Mais, en réalité, c’est le laxiste ministre du Logement, Cécile Duflot, et l’ineffable garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui ont imposé leur marque à travers une série de mesures « visant à ramener la paix sociale et intégrer les Roms », le tout « sans créer d’appel d’air ». Le gouvernement a allégé les contraintes des mesures transitoires en vigueur jusqu’à fin 2013 en France comme dans sept autres pays de l'Union européenne : la taxe que les éventuels employeurs de Romanichels devaient verser est supprimée ; et la liste des cent cinquante métiers auxquels les nomades ont accès sera élargie – nombre qui pourrait être « doublé », selon le ministre du Travail, Michel Sapin. Cécile Duflot souhaite en outre « qu’aucune expulsion ne se fasse sans relogement » et entend mettre à la disposition des Roms des « espaces aménagés », des « places d’accueil d’urgence », des « accompagnements dans le logement diffus » et même des « villages d’insertion ».
Ce plan, plein des bons sentiments dont l’enfer est pavé, risque d’aggraver la situation, car, ainsi que le note le criminologue Xavier Raufer, il repose non sur un diagnostic – une analyse rationnelle des maux –, mais sur un pronostic – le pari idéologique de la culture de l’excuse liée au misérabilisme social. La réalité, c’est que bien des Romanichels n’ont aucune envie de s’assimiler, ainsi que le prouvent les 500.000 « gens du voyage » de nationalité française persistant à vivre selon leurs moeurs et coutumes, parfois depuis vingt générations (voir VDF 126) !
Selon Philippe Moreau-Defarges, spécialiste des migrations à l’Ifri, la politique du gouvernement sera perçue comme « un signal encourageant les Roms à venir en France », seul pays d’Europe à les favoriser ainsi.
Résultat relativisant sérieusement l’efficacité et la volonté du « premier flic de France » – qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas démissionné… Malgré ses postures, Valls devra boire le calice jusqu’à la lie, car il sait bien qu’expulser les Romanichels en situation illégale s’avère inutile si aucune mesure n’est prise pour rétablir un contrôle efficace aux frontières de notre pays : ces derniers, après avoir empoché une substantielle aide au retour, reviennent en effet chez nous en toute tranquillité. Le ministre de l’Intérieur est donc condamné à faire fonctionner le tourniquet migratoire conçu non non par le Tigre, mais par… Nicolas Sarkozy !

* « ROMANICHELS » : le terme n’a rien de péjoratif en lui-même et il n’y en pas d’autre pour désigner cette ethnie originaire de l’Inde dont la langue est le romani. Ils ne sont pas tous des « gens du voyage », c’est-à-dire des nomades, comme le voudrait le vocabulaire administratif. Et les « Roms » ne sont qu’une tribu des Romanichels parmi d’autres.

Par Lionel Humbert journaliste à Minute

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