IDENTITÉ : LE DÉBAT MARINE LE PEN /BESSON... N'A PAS EU LIEU

IDENTITÉ : LE DÉBAT MARINE LE PEN /BESSON... N'A PAS EU LIEU

Jean-Yves Le Gallou
Président de Polémia et patron d’émission à Radio Courtoisie

 

Le débat sur l’identité française opposant, le 14 janvier, Marine Le Pen, député européen et viceprésidente du Front national, à Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, s’avère décevant. Le thème unique fut l’immigration. La question centrale, déterminant toute haute politique, n’a pas été posée : « Qu’est-ce qu’être Français ? » Analyse.

Fortement médiatisé, le duel Marine Le Pen/Eric Besson sur l’identité française a bien eu lieu sur France 2, le 14 janvier 2010. Mais il n’a porté que sur l’immigration. Marine Le Pen a fait valoir l’ampleur du phénomène (les 200.000 entrées annuelles, les 110.000 naturalisations), ses inconvénients économiques et sociaux pour les Français et les injustices de la discrimination dite « positive ». Eric Besson a, lui, assumé et défendu la ligne gouvernementale : l’expulsion des clandestins (douze Afghans), la « régulation » des flux, l’immigration « choisie ». Un ensemble plutôt vif et intéressant, mais qui aurait pu avoir lieu dans des termes assez voisins il y a… 20 ou 25 ans. Et surtout, le vrai débat – qu’est ce qu’être Français ? – n’a pas eu lieu. Or c’est lui qui commande quelle immigration doit être ou non acceptée. Sur l’identité française, Besson fut vainqueur par forfait. En lançant le débat sur ce sujet, le gouvernement avait un objectif : faire accepter à l’opinion l’idée qu’il n’y a pas d’autre politique possible que la sienne ; à savoir que la France, étant une nation « métisse », doit continuer d’accueillir une immigration qui « l’enrichit », mais qu’il faut mieux « organiser ». Et sur ce point Eric Besson a eu un boulevard. Sous l’oeil faussement critique d’Arlette Chabot, il a disposé de 50 minutes sans vraie réplique pour développer sa conception de l’identité française. Il a repris de manière subliminale la formule qu’il a utilisée à La Courneuve, le 5 janvier dernier : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y qu’une France du métissage. »1 A aucun moment Marine Le Pen n’a cherché à contester cette sextuple négation.

Quand de Gaulle fait peur à Marine…

Elle a ainsi laissé le champ libre à Eric Besson. Sur l’essentiel, elle a choisi d’éviter l’affrontement. Elle a même battu en retraite lorsqu’Arlette Chabot a tenté de l’amener à se prononcer sur la phrase du général de Gaulle :« Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » Marine Le Pen, horrifiée, a clairement refusé d’assumer cette définition. La dictature de l’antiracisme est-elle donc si forte qu’à la simple évocation de ce que de Gaulle disait la fille de Jean-Marie Le Pen… se débine ?

La République suffit-elle à défendre l’identité française ?


La seule valeur haute que Marine Le Pen a revendiquée est la République. Sans doute a-t-elle eu raison face à la « discrimination positive » : rien en effet n’est plus contraire à l’égalité et au mérite républicain que ce concept américain. Mais considérer la République comme le seul marqueur de l’identité française, c’est se rallier au discours officiel. Et c’est une thématique sur laquelle le FN est – à tort ou à raison – difficilement audible, sinon crédible.

Les limites de la pasteurisation ?


En tout cas, l’attractivité de Marine Le Pen paraît s’émousser, Eric Besson lui disant : « Vous êtes jeune, mais vous êtes un dinosaure » ; de fait, Jean-Marie Le Pen ou Marie-France Stirbois auraient pu tenir un discours voisin, il y a 20 ans ou 25 ans. Le politologue Pascal Perrineau affirmant dans Le Monde du 15 janvier : « Le FN n’a pas retrouvé le parfum de soufre qu’il a pu dégager dans le passé. Un parti peut aussi s’user dans la contestation. » (…) « La rupture avec le système politique et une stratégie de dénonciation tous azimuts, Marine Le Pen peut incarner cela, mais sur un mode mineur et sans doute avec moins d’efficacité. » Un point de vue conforté par la faible audience de l’émission de France 2 : 10 % de parts de marché, 2,7 millions de téléspectateurs. Tous éléments qui conduisent à s’interroger sur l’efficacité électorale et politique de la stratégie de « pasteurisation » du discours national portée par Marine Le Pen : sa forme, mélange de pugnacité et de sourire, est souvent efficace mais son logiciel idéologique et stratégique est il adapté au XXIe siècle ?

Comment Eric Besson a menti aux Français.

Tout au long du semblant de débat qui l’a opposé, jeudi 14 janvier à France 2, à Marine Le Pen, le ministre de l’Identité nationale et de l’Immigration, a menti. Menti « effrontément, nous dit Minute du 20 janvier. A son adversaire, ce qui n’est pas grave en soi, mais aussi aux Français qui l’écoutaient. Son pire mensonge (...) est celui qui a porté sur la polygamie. « Vous affirmez, a-t-il lancé à Marine Le Pen, en prenant l’air indigné, que l’on tient compte de la polygamie dans l’attribution des logements sociaux » : « C’est n’importe quoi ! » Et de la sommer de donner un seul exemple. Marine Le Pen a pu glisser: « Oui, Monsieur Bédier ». Et elle avait raison. (...) Pierre Bédier, alors maire UMP de Mantesla- Jolie, dans les Yvelines, faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que les familles polygames soient à l’aise. (...) Et cet exemple n’est pas isolé. (...) Eric Besson a aussi menti sur les chiffres. « Marine Le Pen relevait que, chaque année, 200.000 étrangers bénéficiaient d’un titre de séjour longue durée en France. Que chaque année, la France « régularisait » 20.000 clandestins. Besson a nié, s’est gaussé. La vice-présidente du FN n’avait pourtant pas inventé les chiffres. (...) Ils figurent à la page 46 de Pour la nation, le livre qu’Eric Besson vient tout juste de publier (...). Le ministre de l’Immigration a-t-il lu l’ouvrage qu’il a signé ? Page 46, en effet, on lit ceci: « La France continue aujourd’hui à accueillir légalement, pour de longs séjours, près de 200.000 étrangers par an, ce qui la place, avec l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, au premier rang des pays européens d’accueil de l’immigration. » Et à la page suivante on lit cela: « La France présente aussi le nombre de demandes d’asile, et le taux d’acceptation de ces demandes, les plus élevés d’Europe. » Et l’on croit comprendre qu’il se verrait bien en « Monsieur Plus », quand on lit sous sa signature la remarque, pas vraiment innocente, selon laquelle (p. 22) « la France conserve, aujourd’hui encore, une densité de population nettement inférieure à celle de ses voisins ». Autrement dit : il reste de la place… A la même page 46 de Pour la nation que Marine Le Pen avait relevée, Eric Besson se félicite que « le taux de métissage de notre nation, mesuré par la proportion d’enfants nés de mariages mixtes, [ait] doublé en dix ans ! ». Le point d’exclamation est dans la prose bessonienne. En signe d’émerveillement. Et là, il n’a menti, ni sur le chiffre (qui prouve au passage que, même si les statistiques ethniques sont proscrites, il est possible de connaître certaines évolutions…), ni sur ses funestes projets. Entérinés et même promus par Nicolas Sarkozy. » a menti aux Français.

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