LI MISSIÉ TINTIN, LUI T’ÈS T’ÈS MÉCHANT !

LI MISSIÉ TINTIN, LUI T’ÈS T’ÈS MÉCHANT !

Par Xavier Van Lierde
Journaliste à Monde et Vie et au Choc du mois

 

L’histoire ressemble à une blague. Elle n’est pourtant pas drôle, comme à chaque fois que l’on prend les imbéciles au sérieux : Tintin est accusé de racisme par les groupes de pression communautaristes africains ! Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Belgique et en France, ils exigent la censure de l’album Tintin au Congo. Une polémique d’une bêtise... noire.

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Avril 2004, le mensuel Lyon-mag publie un entretien avec l’imam de Je n’ai pas osé le dire à mes enfants ! Tintin risque d’être traîné en justice. Son crime ? Avoir participé à la colonisation du continent africain en se rendant au Congo. C’est une faute inexusable. Près de 80 ans après les faits, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) vient en effet de mettre demeure le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, de… « se prononcer sur Tintin au Congo » et de « prendre ses responsabilités ». Comme le dit le président de cette association qui veut être pour les noirs ce que le CRIF est pour les juifs, « il n’y a pas de prescription contre l’indignité ». Son président, Patrick Lozès, manque singulièrement d’humour. Du coup, il ne supporte pas de voir Hergé caricaturer les Africains. « Les noirs, fulmine-t-il dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, y sont dépeints et traités comme de grands enfants incapables. […] Tout au long de cette BD, les noirs sont considérés comme des êtres inférieurs et affichent une soumission aux blancs chargés de les instruire. » Cette rhétorique n’est pas neuve. Le 27 juillet 2007, une plainte pour « racisme et xénophobie » avait déjà été déposée à Bruxelles contre le reporter à houppette. Elle émanait de Mbutu Mondondo, un étudiant congolais de… 38 ans ! Accueilli en Belgique – ce pays raciste et arriéré où le malheureux suit des études de sciences politiques – ce grand gaillard n’avait pas supporté que, dans l’album, les Africains parlent « petit nègre », disent « Li missié blanc très malin », ou que le Père blanc qui évangélise et fait la classe aux enfants soit qualifié de « très bon ». Très à cheval sur les vertus industrieuses de son peuple, il n’avait pas davantage accepté que Milou houspille ainsi les populations locales : « Allons, tas de paresseux, à l’ouvrage ! » Le futur politologue congolais avait donc saisi les tribunaux de l’ancienne puissance coloniale pour demander l’interdiction de Tintin au Congo.
Le CRAN ne va pas si loin que Mbutu Mondondo. Dans sa grande sagesse, l’association affirme en effet qu’elle se contentera de l’insertion d’un « avertissement aux lecteurs ». Elle prétend préférer « la pédagogie » à « la censure ». Mais, en réalité, c’est plutôt de propagande qu’il s’agit. L’objectif est en effet de transmettre aux jeunes lecteurs le virus de la mauvaise conscience européenne. Patrick Lozès ne s’en cache pas. « Tintin au Congo, écrit-il, est offensant, mais nous sommes convaincus qu'il ne faut pas l'interdire, parce qu'il constitue un témoignage irremplaçable sur le passé de la France et sur les feux, toujours mal éteints, de la colonisation. […] Tintin au Congo renvoie à cette période de notre histoire où […] la France célébrait le "bon temps des colonies", en oubliant que ce temps était aussi celui du mépris, de la sujétion. »
Ce temps est bien révolu. Il n’est donc pas sûr que l’offensive du CRAN recueille le simple haussement d’épaule qu’elle mérite. En Angleterre il y a deux ans, la chaîne de librairies Borders a retiré l’album de ses rayons. Et, aux États- Unis, la bibliothèque de Brooklyn a relégué Tintin au Congo à l’« Enfer », la section consultable uniquement sur demande écrite émanant de chercheurs… Comme on n’est jamais trop prudent, je crois que, cette année, je vais acheter dès à présent les cadeaux de Noël des enfants. Au pied du sapin, ils auront chacun un album d’Hergé sans « mise en garde » du CRAN ! Au train où vont les choses, c’est une future pièce de collection…

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