« MICHEL BARNIER APPARTIENT À UN GROUPE DE PRESSION PRO-TURC »

« MICHEL BARNIER APPARTIENT À UN GROUPE DE PRESSION PRO-TURC »

Par Caroline Eyre journaliste à Minute et Novopress

 

En élisant Michel Barnier au Parlement européen, les électeurs de l’UMP ont cru envoyer à Strasbourg un défenseur de leur identité. Grave erreur ! Barnier est pour l’entrée de la Turquie en Europe. Conformément à la volonté du puissant groupe de pression Friends of Europe, dont il est… l’un des dirigeants.

Friends of Europe – en français, « Amis de l’Europe » – est l’un des groupes de pression les plus puissants et les plus discrets de l’Union européenne. Officiellement, ce groupe de pression, dont les membres se réunissent à côté du Parlement européen, encourage
« l’émergence de nouvelles idées sur le futur de l’Europe ». Sur son site – exclusivement en anglais – on y parle beaucoup de la Turquie. Toujours en bien. Et toujours comme d’un pays appelé à rejoindre l’U.E. Dans le dernier numéro de Europe’s world, la revue de ce laboratoire d’idées, Sinan Ülgen, diplomate turc affecté de 1992 à 1996 à la délégation permanente de la Turquie à l’Union Européenne et actuel directeur du Centre d’études économiques et de politique étrangère d’Istanbul, écrit : « L’adhésion de la Turquie ne déboucherait pas, contrairement à ce qu’avancent les fédéralistes européens, sur un affaiblissement de l’Europe. A l’opposé, elle permettrait à l’Europe de devenir une puissance plus influente et plus capable ».
C’est devant les Amis de l’Europe que, le 8 septembre 2006, le candidat Nicolas Sarkozy est venu exposer sa vision de l’Europe et la place qu’il entendait y offrir à la Turquie. Ce fut un discours d’intronisation, où chaque mot fut pesé pour rassurer l’opinion publique française, majoritairement hostile à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ; et pour rassurer ces « Amis de l’Europe », unanimement favorables à l’adhésion de la Turquie ! Un vrai tour de force, orchestré par celui qui était alors le conseiller politique de Nicolas Sarkozy et l’un des membres du præsidium de Friends of Europe : Michel Barnier.
C’est au sein de cet aréopage pro-Turc que siège et oeuvre en faveur de l’adhésion d’Ankara l’ancien ministre de l’Agriculture, élu député au Parlement européen en juin dernier... Alors que l’U.M.P. a fait campagne sur une ligne « identitaire » pour abuser les gogos ! Et impossible de plaider le malentendu, au vu du rôle dirigeant de Barnier dans ce groupe de pression et du nombre de déclarations pro-turques qu’a proférées celui qui fut commissaire européen durant cinq ans. En décembre 2004, dans Le Parisien, Michel Barnier expliquait qu’il était dans « notre intérêt » que la Turquie adhère à l’Union européenne et devienne « notre frontière définitive au sud-est de l’Europe ». Deux mois plus tôt sur France 2 – il était alors ministre des Affaires étrangères de Jean-Pierre Raffarin –, il déclarait que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie n’était pas « une condition posée pour l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne ». Le 30 mai 2006, un an après le rejet massif de la Constitution européenne par les Français, il écrivait dans Le Monde que la Turquie avait « évidemment commencé la négociation de son adhésion à l’Union européenne, cela n’ayant aucun rapport avec l’enjeu constitutionnel européen ».

Sarkozy fait sauter l’obligation référendaire
Aujourd’hui, Michel Barnier dit que c’est ce « non » au référendum qui l’a fait changer d’avis au sujet de l’entrée de la Turquie dans l’U.E… Passons. En attendant, il a rejoint Nicolas Sarkozy et approuvé la réforme constitutionnelle qui a supprimé le référendum obligatoire pour toute nouvelle adhésion… tandis que le chef de l’Etat se dit toujours opposé à l’entrée de la Turquie dans l’U.E.
Mais, pour savoir ce que pense vraiment Nicolas Sarkozy, il suffit de se reporter au discours qu’il a tenu, le 8 septembre 2006 à Bruxelles, devant les Amis de l’Europe… Discours, comme on l’a vu, conçu et mis en scène par Michel Barnier. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy – avec les mots de Barnier – s’est certes prononcé contre l’entrée de la Turquie dans l’Europe, mais… de manière conjoncturelle. Le candidat à la présidence de la République s’est précisément dit défavorable à « l'ouverture de nouveaux chapitres d'adhésion avec la Turquie tant que celle-ci n'aura pas ratifié et - 2 - La Voix des Français - n° 115 - juin 2009 véritablement mis en oeuvre, de bonne foi, le protocole d'Ankara », lequel, pour faire simple, implique la reconnaissance par la Turquie de la République de Chypre. La nuance est de taille ! Et cela ne l’a pas empêché, à la présidence de l’U.E., d’ordonner l’ouverture de six nouveaux chapitres, là où deux seulement avaient été ouverts par ses prédécesseurs !



Michel Barnier (à gauche) et Rachida Dati en campagne pour les
élections européennes. A aucun moment, il n’a été question de
l’appartenance de M. Barnier à un puissant groupe de pression
pro-Turc.


Toujours devant les Amis de l’Europe, il déclarait : « On ne peut pas imposer à un pays ce qu’il ne veut pas. En revanche, je n’accepte pas que celui qui ne veut pas avancer empêche les autres de le faire […]. Par conséquent la seule façon de sauver l’Europe politique, c’est de faire sauter ce verrou [du referendum obligatoire pour élargir l’U.E.]. A Berlin, j’avais évoqué la création d’un mécanisme de majorité super-qualifiée qui exigerait par exemple 70 ou 80 % des votes pour qu’une décision soit adoptée. Pourquoi ce mécanisme serait-il intéressant ? Parce qu’il y a des domaines qui sont tellement sensibles pour les Etats membres qu’il est illusoire d’espérer les faire passer dans le domaine de la majorité qualifiée, mais pour lesquels la règle de l’unanimité constitue un obstacle trop important à toute avancée parce que l’opposition de quelques Etats, parfois un seul, bloque toute prise de décision ». Comprenne qui pourra… Mais quelques mois plus tard, élu à la présidence de la République, il faisait supprimer l’obligation référendaire…
Le 19 janvier 2009, les Amis de l’Europe ont reçu le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et son ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, pour un dîner débat au titre sans ambiguïté : « Turkey’s European Future », soit « L’Avenir européen de la Turquie » !
Elmar Brok, membre de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen où il siège dans le groupe P.P.E. (avec Barnier) et membre du conseil d’administration des Amis de l’Europe, a souligné ce qu’il présente avec malveillance comme une « évidence » : « La Turquie est stratégiquement importante » pour l’Europe et il faut « convaincre les politiques que la Turquie est dans notre camp ». Michel Barnier, maintenant qu’il siège au Parlement européen, a le choix : défendre la volonté des Français qui l’ont élu en croyant que l’U.M.P. était contre l’entrée de la Turquie dans l’U.E. ; ou défendre les « évidences » assénées par ses Amis de l’Europe. Que croyez-vous qu’il fera ?

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