SUISSE : L’EXEMPLE À SUIVRE POUR LA DROITE

SUISSE : L’EXEMPLE À SUIVRE POUR LA DROITE

par Lionel Humbert
Journaliste à l’hebdomadaire Minute

Lors des élections législatives d’octobre dernier, les électeurs suisses ont fait un triomphe à l’Union démocratique du centre (UDC), le parti de la droite traditionnelle helvétique. Au coeur de sa campagne, figuraient la fameuse affiche où trois moutons blancs en chassent un noir ; une initiative populaire pour l’interdiction des mosquées en Suisse et une autre pour empêcher la multiplication des naturalisations. Sans jamais renier ses valeurs, ni édulcorer son discours, l’UDC a atteint le score historique de 29 % des suffrages exprimés. Preuve qu’une stratégie ferme, cohérente et lisible pour la majorité de l’électorat, peut mener une droite populaire au pouvoir.

Le 21 octobre dernier, le mouton noir du monde politique suisse a poursuivi sa marche en avant. L’Union démocratique du centre, mieux connu sous le nom de Parti du peuple suisse (SVP) dans les zones germanophones, a gagné haut la main les élections fédérales en recueillant près de 29 % des suffrages. Loin derrière, le Parti socialiste rame avec 19 % (- 4,5 %). Les autres formations sont marginalisées.
Les représentants de l’UDC ont obtenu 62 députés sur 200 au Conseil national (chambre basse) et 7 membres au Conseil des Etats (chambre haute), sur 34 "fauteuils" attribués. Onze restent à pourvoir lors de seconds tours, d’ici le 25 novembre.
Sur les plateaux de la soirée électorale, Georg Lutz, professeur de sciences politiques à l'université de Berne, rassurait les perdants : « Voilà dix ans que l’UDC fait ce genre de campagne provocatrice. Ils doivent toujours plus flirter avec les propos racistes et outranciers pour susciter des réactions chez leur électorat populaire et rural. Mais ils ont atteint la limite, au-delà de laquelle ils commenceront à perdre des électeurs ». On se console comme on peut… Mais, avec un score encore jamais atteint par un parti depuis 1919, l’UDC s’offre le luxe de réaliser une performance historique !
A Genève, fief traditionnel de la gauche, l'UDC recueille près de 20 % des voix et devient le premier parti régional. Dans le canton de Vaud, historiquement à gauche, les nationalistes arrivent encore en tête. L’UDC prend aussi les sommets centristes et gauchisants du Jura par la face droite, grâce à une alliance rondement menée avec le Parti libéral-radical (PLR). L’agence Swiss-Info s’étonne : « Le canton du Jura a subi un séisme politique. »
Tout cela n’empêche pas les adversaires du parti nationaliste de pérorer. Au lendemain des élections, la Radio Suisse romande fait l’état des lieux : « La presse juge que l'UDC va devoir prendre ses responsabilités. »
En entendant cette tirade, Eric Bertinat, secrétaire permanent de l’UDC, membre du comité central, député et chef de campagne dans le canton de Genève s’esclaffe : « Ils oublient que nous ne débarquons pas. Nous confirmons une victoire remontant à 2003 ! » Il n’empêche : durant toute la campagne, l’UDC fut traitée en paria, voire avec le mépris que l’on accorde généralement à un groupuscule.
Le 6 octobre, à Berne, lorsqu’une manifestation de 10.000 sympathisants de l’UDC est attaquée par des casseurs gauchistes, les journaux dénoncent… une provocation d’extrême droite : l’UDC savait à quoi s’en tenir en descendant dans la rue ! La Tribune de Genève regrette : « Les débordements (…) ont servi l'UDC. Mais gagnante ne veut pas dire innocente. » Le Temps : « L’extrême droite se pose en victime ».
Les médias suisses et les adversaires de l’UDC ont surtout réduit le premier parti de Suisse à un mouvement raciste et xénophobe, notamment en dénonçant sa fameuse affiche où trois moutons blancs chassent un mouton noir, sur fond de pâturage en forme de drapeau suisse (voir VDF 96). [N.D.L.R. : c’est également le cas en France de… Marine Le Pen !]
L’UDC ne peut être réduite à cette caricature et le parti refuse tout "amalgame" avec l’extrême droite. Chose impensable et, de toute façon, interdite en France, elle s’appuie sur des statistiques fournies par l’Office fédéral de la police établissant que 80 % des détenus en Suisse sont des immigrés. En outre, 85,5 % des viols, plus de 50 % des assassinats et crimes violents sont commis par des étrangers. L’UDC demande donc l’expulsion systématique des criminels étrangers, en précisant bien que cela ne remet pas en question la présence des étrangers honnêtes, qui « restent les bienvenus ». Le mouton noir n’est pas un Africain, mais celui qui se comporte mal.
Eric Bertinat conclut : « Nous avions dix-huit mois pour récolter 100.000 signatures. Nous en avons eu 200.000 en trois mois, accompagnés de 500.000 francs (approximativement 420.000 euros) de dons de sympathisants ! Cette affiche a été mise au coeur de notre campagne. On ne peut tout de même pas accuser 29 % des électeurs d’être extrémistes ! »
L’UDC ne remet pas totalement en question l’immigration et entend s’affirmer comme un parti de gouvernement efficace et raisonnable. Elle dénonce uniquement les malfrats, dont il lui semble légitime de se débarrasser, pour réduire l’insécurité et les dépenses sociales ; faciliter le séjour des immigrés corrects, venus travailler en Suisse, dans le respect des us et coutumes helvétiques ; dissuader de potentiels criminels.
Si l’UDC rejette toute forme d’intégration dans l’Union européenne, elle est néanmoins favorable à une immigration frontalière, alimentée par les Européens venus des pays voisins, qui favorise le développement de son économie.
Le parti a également fait campagne en lançant une initiative populaire « contre la construction de minarets » en Suisse et une autre contre « les naturalisations en masse ».
Accusés d’islamophobie, les membres de l’UDC éludent à peine : « Les minarets sont le symbole d’une revendication de pouvoir politico-religieuse qui va à l’encontre des droits fondamentaux d’autres personnes, notamment les Suisses ! »
Et les accusations de xénophobie ? « Nous ne voulons pas que la Suisse évolue vers une situation à la française. Nous devons favoriser une immigration tenant compte des besoins et des intérêts suisses. Pour l’instant, la politique migratoire en vigueur déstabilise notre identité, pose des problèmes de sécurité et revient trop cher : les étrangers perçoivent trois fois plus souvent l’aide sociale que les Suisses. »
Selon Eric Bertinat, leur action gouvernementale et ces propositions "de bon sens" ont permis à l’UDC de toucher près de 30 % des électeurs.
En décembre, les deux chambres du Parlement voteront pour élire les sept membres du Conseil fédéral, constituant la présidence exécutive helvétique. Christoph Blocher semble assuré d’y siéger : il peut compter sur le soutien des partis de droite, qui ont rejeté le "pacte républicain" et le "cordon sanitaire" proposés par les socialistes et les Verts.

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