IMMIGRATION : « LE TEMPS DES DEMI-MESURES EST PASSÉ ! »

IMMIGRATION : « LE TEMPS DES DEMI-MESURES EST PASSÉ ! »

Entretien avec Jean-Yves Ménébrez
Analyste à Polemia.
(site Internet : http://www.polemia.com/)
Propos recueillis par Frédéric Petit.


Analyste de la Fondation Polémia, Jean-Yves Ménébrez estime que la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale répondait à une évidente nécessité. En revanche, son opinion est des plus réservées, non seulement au sujet de la politique mise en place par l’actuel gouvernement ; mais aussi en ce qui concerne les autre termes accolés à ce nouveau ministère : Intégration et Codéveloppement. Véritables tartes à la crême, ces deux notions paralyseront vraisemblablement toute initiative constructive. Il a bien voulu répondre à nos questions.

V.D.F. : Comment avez-vous apprécié l’idée, exprimée durant la campagne électorale présidentielle par Nicolas Sarkozy, de créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale ?
J-Y.M. : Positivement, bien sûr. C’était reconnaître une évidence. L’immigration, surtout lorsqu’elle est numériquement importante et en provenance de pays lointains, pose un problème d’identité nationale. Car l’identité française, c’est aussi – c’est d’abord — une identité de civilisation, c’est l’appartenance à la civilisation européenne et chrétienne d’expression française qui fonde ce que nous sommes collectivement. Or, les immigrés qui viennent d’Afrique noire, du Maghreb ou de Chine, appartiennent à d’autres aires civilisationnelles.
Dire cela, ce n’est pas mépriser les noirs, les musulmans ou les Chinois, leurs cultures et leurs croyances, c’est reconnaître des différences ethnoculturelles majeures. Samuel Huntington a eu raison de parler de « choc des civilisations » ; mais la vérité oblige à constater que le choc des civilisations se produit moins entre nations qu’à l’intérieur même des nations. Le problème n’est pas qu’il y ait des Talibans à Kaboul ou à Hérat (après tout, c’est l’affaire des Afghans) ; le problème, c’est qu’il y ait de plus en plus de musulmans engagés et militants en France.
Les électeurs français en sont conscients, puisque la proposition de création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale a été un élément majeur du succès électoral de Nicolas Sarkozy. Elle a choqué les « bien-pensants », mais mobilisé l’électorat identitaire et assuré au candidat de l’UMP sa confortable avance du premier tour qui a suffi à lui assurer la victoire.

V.D.F. : Que penser alors de la création du Ministère Heurtefeux de « l’Immigration, de l’Intégration de l’Identité nationale, et du Codéveloppement » ?
J.-Y.M. : Il y a loin de la coupe aux lèvres : et des promesses électorales aux… réalités gouvernementales. La dénomination du ministère s’éloigne de l’idée forte initiale pour complaire au politiquement correct.
L’intégration, c’est la tarte à la crème des politiques d’immigration depuis 35 ans. Si cela marchait, cela se saurait ! Mais c’est une illusion, cela ne fonctionne pas. Ainsi le taux de chômage des Franco-Maghrébins de la seconde génération est le même que celui de leurs parents 25 ans avant ; et c’est plus du double du chômage des Franco-Français (voir à ce sujet « Statistiquement incorrect - L’intégration économique de l’immigration : une illusion » sur www. polemia.com/).
De même, la minorité musulmane présente en France se rend de plus en plus visible par ses pratiques religieuses, vestimentaires ou alimentaires ; ainsi les jeunes Franco-Maghrébins se marient de plus en plus souvent au Maghreb avec des jeunes femmes et des jeunes hommes choisis dans le pays d’origine de leurs parents ou grands-parents.
Quant au codéveloppement, c’est sans doute une bonne intention, mais ce n’est pas sérieux. Ainsi, l’Inde et l’Asie confucéenne se sont développées toutes seules ; alors que l’Algérie, qui jouit de la rente pétrolière, nous exporte ses chômeurs et fait venir 50.000 travailleurs chinois pour construire des logements et des routes à Alger. A supposer même que le codéveloppement réussisse, cela prendrait 10 ans, 15 ans, 20 ans pour avoir des effets pratiques sur les flux migratoires. Nous ne pouvons pas attendre cela pour agir.

V.D.F. : Oui, mais la dénomination du ministère peut passer pour une habileté ; son objectif n’est-il pas de désarçonner les oppositions ?
J.-Y.M. : Je vous trouve bien indulgent ! Pour ma part, je ne crois pas qu’on puisse traiter des problèmes, si on n’a pas d’abord le courage de dénoncer les faux-semblants et de décrire les réalités. Or, s’abriter derrière une « intégration » en panne et un « codéveloppement » illusoire, c’est faire la part belle aux illusions.

V.D.F. : Dans sa lettre à Brice Heurtefeux, Nicolas Sarkozy lui fixe comme objectif de rééquilibrer l’immigration au profit de l’immigration de travail, qu’en pensez vous ?
J.-Y.M. : J’aimerais en penser le meilleur, mais j’en crains le pire.

V.D.F. : Expliquez-vous !
J.-Y.M. : En ordre de grandeur, sur 200.000 entrées régulières annuelles, il y a 15.000 entrées (souvent des régularisations de situation, d’ailleurs) au titre du travail et 185.000 pour d’autres motifs (principalement familiaux). S’il s’agissait de réduire ces 185.000 entrées à 15.000, cela irait manifestement dans le bon sens. Si, a contrario, la politique du gouvernement aboutit finalement à ajouter une immigration de travail supplémentaire à l’immigration de confort déjà existante, c’est cumuler les problèmes. Faire venir des travailleurs supplémentaires dans un pays qui connaît un taux de chômage de 8% et dont le flux annuel d’expatriés est de 30.000 à 40.000, est ce vraiment très raisonnable ? Le vrai bilan des flux migratoires est le suivant : les cadres et les travailleurs français sortent, les demandeurs de prestations sociales entrent.

V.D.F : Comment remédier à cette situation ?
J.-Y.M. : D’abord en la comprenant, et en l’expliquant. Une bonne partie des flux migratoires d’aujourd’hui est due à l’absence d’assimilation des jeunes franco-étrangers : au lieu de s’épouser entre eux ou de se marier à des Franco-Français, ils vont pour beaucoup chercher leur conjoint dans le pays d’origine de leurs parents, les font arriver en France, leur permettant ainsi d’acquérir notre nationalité, puis de faire venir leurs propres parents. C’est un processus sans fin et massif de déversement de population du sud vers le nord. Savez-vous qu’en 2005, 12.457 Algériens ont épousé en Algérie des ressortissants français (généralement Franco-Algériens) et que d’autres sont venus en France pour épouser des Français ? Ce phénomène de « nuptialité mixte » a été multiplié par 11 en 11 ans. Le même s’observe pour les Franco-Marocains, les Franco- Tunisiens, les Franco-Turcs et les Franco-Africains noirs. La aussi, permettez moi de vous renvoyer à l’étude de Polémia (« Statistiquement incorrect - Les stratégies nuptiales des Français d’origine étrangère, signes de l’échec de l’intégration » ).

V.D.F. : Que faut-il faire ?
J.-Y.M. : D’abord prendre conscience de ce qui se passe vraiment. Ensuite sortir la politique de l’immigration d’une logique reposant exclusivement sur des droits individuels. Poser le problème en termes d’identité nationale. Et donc changer les règles du droit de la nationalité. Changer les règles du regroupement familial. Poser les questions en termes de préférence nationale et de préférence de civilisation. Le temps des demi-mesures et des fausses habiletés est passé.


Taux de chômage en France selon la nationalité

Français

Etrangers de l’Union européenne

Etrangers hors Union européenne
8,30%

7,40%

25,10%

Beaucoup de résidents étrangers et de Français d’origine immigrée (nés de parents étrangers) participent au processus de production ; toutefois, la proportion de chômeurs parmi ces catégories reste sensiblement plus élevée que pour le reste de la population française. Ainsi, le taux de chômage des étrangers hors Union européenne est trois fois supérieur à celui des Français.
(Source : INSEE. Enquête emploi 2002). © Polemia

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