UNE NOUVELLE RAISON DE SALUER LA VICTOIRE DU « NON »

UNE NOUVELLE RAISON DE SALUER LA VICTOIRE DU « NON »
L’Union européenne vecteur du multiculturalisme en Europe

Par Christophe Beaumont, Politologue,
membre du Conseil d’administration du Club de l’Horloge

Lors d’une récente réunion publique du Club de l’Horloge, le politologue Christophe Beaumont a magistralement démontré en quoi le projet de Constitution européenne soumis au vote des Français était incompatible avec l’identité de l’Occident. Bien que cette Constitution ait été rejetée par les électeurs, nous avons cependant décidé de maintenir la publication d’un extrait de cette intervention, qui reste d’actualité, tant les reproches que nous adressions à la Constitution peuvent également être, dans les grandes lignes, adressés à l’édifice bruxellois actuel qui en partage la philosophie mondialiste.

Dès 1958, le traité de Rome avait affirmé la liberté de circulation et d’installation des personnes à l’intérieur du Marché Commun. On ne s’est guère préoccupé, pendant longtemps, des risques théoriques qui pouvaient en résulter. Cette liberté, en effet, ne s’appliquait à l’origine qu’aux ressortissants des États membres et l’on estimait qu’il n’y aurait pas de mouvements migratoires trop importants entre pays de niveaux de vie comparables. De plus, les immigrés en question, qu’ils fussent allemands ou italiens, étaient aptes à s’assimiler à la communauté nationale. Mais aujourd’hui, sans même revenir sur le cas de la Turquie, l’élargissement qui se prépare soulève des difficultés nouvelles, en raison de la pauvreté de certains pays candidats d’Europe orientale, comme la Roumanie, où habitent des populations misérables dont l’assimilabilité est problématique : c’est ainsi que les Tziganes ou Romanichels (dont la langue est le romani) ont une culture et un mode de vie très particuliers qui les tiennent aux marges de la société.
Les accords de Schengen, puis les traités de Maëstricht et d’Amsterdam, ont étendu la liberté de circulation aux résidents étrangers originaires des pays tiers, donc aux immigrés d’Afrique et d’Asie, et institué, pour ainsi dire, un “Marché commun de l’immigration”. En conséquence, ils ont supprimé les contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne. Or, ceux-ci sont nécessaires pour lutter contre l’immigration illégale, que la Commission européenne évalue modestement à 500.000 entrées par an. Plus grave encore, Maëstricht et Amsterdam avaient déjà donné à l’Union européenne une compétence supranationale en matière d’immigration extra-communautaire, et celle-ci est reprise et aggravée dans le projet de Constitution européenne.
Désormais, avec cette Constitution, “l’Union développera une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires” (article III-267). Il n’est pas du tout envisagé d’arrêter les flux migratoires, mais on veut, au contraire, les gérer efficacement… Cela ne peut guère signifier autre chose que la volonté de les augmenter encore. Cette Europe-là prévoit de faire venir des dizaines de millions d’immigrés du tiers-monde pour compenser la baisse de la natalité des Européens, en favorisant, ainsi, une substitution de population, au lieu d’envisager des mesures en faveur des familles. Pour ces européistes atteints de bruxellose, les hommes sont interchangeables, ils n’ont pas de passé commun, pas d’héritage culturel, pas d’identité nationale. L’Europe ne doit pas être un “club chrétien”, disent-ils ? Pourvu qu’elle ne soit pas destinée à rejoindre le club des pays musulmans !
Les articles III-265 et suivants de la Constitution européenne, qui posent le cadre des “politiques relatives aux contrôles des frontières, à l’asile et à l’immigration”, sont des plus redoutables. Ils insistent sur “l’absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’elles franchissent les frontières intérieures”. Ainsi, le pays membre qui sera le plus laxiste en matière de contrôle des frontières dites “extérieures” sera la porte ouverte à l’immigration du tiersmonde. Il ne sert donc à rien de reconnaître “le droit des États membres de fixer les volumes d’entrée des ressortissants des pays tiers, en provenance de pays tiers”, puisqu’un immigré qui voudrait venir en France et qui se trouverait hypothétiquement empêché de le faire par un gouvernement responsable n’aurait qu’à passer par l’Espagne ou par la Grèce… Cette politique supranationale de l’immigration imposera, en outre, aux États membres, dont la France, de recevoir les demandeurs d’asile, dans une acception très large, et même les demandeurs de “protection subsidiaire” (sic), sans pouvoir instaurer des quotas en fonction de leurs possibilités d’accueil. Et il y a même une très belle disposition, à l’article III-266, en vertu de laquelle l’Union, telle qu’elle sortira, régénérée, de cette Constitution, veillera “à assurer le principe de nonrefoulement”.
La Constitution européenne contient donc la triste promesse d’un raz-demarée migratoire, et pas seulement parce qu’elle ouvrirait à la Turquie la porte de l’Europe. En confisquant aux États membres la politique de l’immigration, qui serait définitivement transférée aux autorités bruxelloises, elle réduirait à néant le contrôle que le peuple peut encore exercer sur celleci, dans le cadre national. Comment accepter de s’en remettre, sur ce sujet vital pour l’avenir de la nation, à une instance supranationale ? Il serait illusoire d’espérer que les décisions prises au niveau communautaire soient moins mauvaises que les nôtres, car la disparition des nations et leur transformation en sociétés multiculturelles sont programmées de façon insidieuse dans ce projet de Constitution supranationale. Les autorités européennes sont bien plus éloignées des peuples, bien plus indifférentes aux sentiments des gens “d’en bas”, que les gouvernements nationaux.
Nous ne pourrons pas maintenir notre identité si nous ne préservons pas la souveraineté de la nation, qui doit rester maîtresse de sa politique d’immigration.
On n’est pas plus rassuré de lire, à l’article III-267, que la loi européenne va “favoriser l’intégration des ressortissants des pays tiers”, parce que l’intégration ne signifie pas grand-chose, si ce n’est de manière négative : elle n’est pas l’assimilation. “Intégrer” les populations immigrées, c’est consentir à ce qu’elles conservent leur identité d’origine, donc qu’elles restent en dehors de la communauté nationale. C’est consentir à la transformation de la nation en société multiculturelle.
Les rédacteurs de la Constitution européenne insistent tout particulièrement sur la non-discrimination, qui apparaît dès l’article I-2, dans les “valeurs de l’Union”, à un point tel qu’ils en paraissent obsédés. Bien entendu, le fonctionnement du Marché commun suppose que les États membres ne fassent pas de discrimination au détriment des ressortissants des autres États membres. Mais il ne va pas de soi que cette non-discrimination soit étendue aux ressortissants des États tiers, comme le prévoit cependant cette Constitution. Il paraîtrait, au contraire, indispensable que l’Union européenne, qui s’est longtemps appelée “Communauté”, maintienne une certaine “préférence communautaire” au bénéfice de ses ressortissants.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union, qui forme la partie II de la Constitution, interdit, dans son article II-81, “toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle”, ainsi que “toute discrimination exercée en raison de la nationalité”.
Ces dispositions reprennent, en l’élargissant et en la systématisant, la législation française dite “antiraciste” par abus de langage - car elle vise bien d’autres critères de discrimination que la race -, qui remonte à la loi Pleven de 1972, et elle encourt les mêmes critiques fondamentales.
Premièrement, la discrimination en raison de la nationalité ne devrait pas être interdite, elle devrait même être encouragée, dans une certaine mesure, car elle résulte de l’idéal de fraternité qui figure dans la devise de la République. On s’est efforcé de diaboliser la notion de préférence nationale, sous prétexte que le Front national y faisait référence, mais il faut admettre qu’il ne peut pas y avoir de communauté nationale sans qu’un minimum de différence soit établi entre les nationaux et les étrangers. L’appartenance de la nation à une union européenne peut justifier que cette préférence nationale soit élargie, à certains égards, en une préférence européenne, mais il reste nécessaire d’accepter une discrimination légitime entre les Européens, ressortissants des États membres de l’Union, d’une part, et les ressortissants des pays tiers, d’autre part. Du reste, la Constitution européenne admet encore que ces derniers puissent être exclus de la fonction publique.
Deuxièmement, la discrimination pour d’autres raisons que la nationalité doit être interdite, quand il s’agit des actes accomplis par l’Union, et la République française doit se l’interdire à elle-même, en vertu du principe d’égalité. C’est incontestable. Mais le principe de liberté, qui n’est pas moins important, signifie que chaque individu doit être libre d’exercer, dans sa sphère privée, toutes les discriminations qu’il juge légitimes pour sa part, sous sa propre responsabilité. La République ne saurait être une théocratie. Elle ne doit pas imposer aux citoyens une morale qui régisse leur vie quotidienne. Nous sommes loin, aujourd’hui, de cet idéal de liberté, et il faut admettre que le développement de la législation “antiraciste” et “antidiscriminatoire” porte atteinte aux libertés fondamentales et qu’elle est d’inspiration collectiviste et totalitaire.
La non-discrimination, sous la forme où elle énoncée dans la Constitution européenne, n’est donc pas républicaine, puisqu’elle est, tout à la fois, anti-nationale et anti-libérale, et elle a pour fonction de favoriser l’installation en France et en Europe de populations inassimilables, pour transformer les nations en sociétés multiculturelles. Une communauté humaine ne peut défendre son identité qu’en légitimant, dans une certaine mesure, une préférence communautaire. La discrimination identitaire, qui est le corollaire de la fraternité républicaine, est donc légitime, à condition, bien entendu, qu’elle demeure respectueuse de la dignité qui est en tout homme, quelle que soit son appartenance.
Cette Constitution européenne, qui préconise “la diversité culturelle, religieuse et linguistique” (article II-82) et qui garantit expressément les droits des minorités ethniques, veut organiser le communautarisme, ce qui est parfaitement incompatible avec la République. Il est difficile de croire, par exemple, que notre loi sur le voile islamique puisse rester en vigueur. Pas de racines chrétiennes, diversité religieuse proclamée : est-il si difficile de comprendre que cette Constitution européenne favorise l’expansion de l’islam sur notre sol ?

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