Réponse au journal "Le Monde" et à quelques autres à propos des attentats d'Istanbul

Réponse au journal "Le Monde" et à quelques autres à propos des attentats d'Istanbul

 

par Xavier van Lierde, rédacteur en chef de "Relève politique" (1)

Les deux séries d'attentats meurtriers perpétrés en Turquie par des "kamikazes islamistes" ont donné lieu à une nouvelle vague, particulièrement délirante, de turcophilie de la part de la classe politique et des médias européens et français. Ainsi, pour le journal "Le Monde", la Turquie aurait été ictime d'AI-Qaida en raison de sa nature laïque, tandis que plusieurs ministres européens - notamment le britannique Jack Straw, et l'allemand Joshka Fisher -, en profitaient pour demander une accélération du processus d'adhésion du pays à l'Union européenne.

Après les attentats d'Istanbul, Le Monde expliquait en substance que la Turquie avait été visée par AI-Qaïda en raison de son régime laïc. De leur côté, certains poids lourds de la poli­tique européenne, tels que Jack Straw ou Joshka Fisher, respectivement ministres britannique et allemand des Affaires étran­gères, affichaient leur volonté de voir main­tenu et même "accéléré", le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union euro­péenne. De la sorte, la presse et les politiciens européens ont dû combler d'aise les autorités turques, puisqu'ils validaient ni plus ni moins la thèse défendue par elles, au lendemain des attentats, d'une "Turquie vertueuse victime de la nébuleuse islamiste internationale." Thèse pour le moins pratique, puisqu'elle permet de situer la Turquie dans le camp occiden­tal en butte aux agressions d'islamistes venus de lointaines contrées pour accom­plir leurs forfaits.

Des attentats commis par des islamistes turcs

Or, la réalité est, bien sûr, bien différente. Ainsi, au fil de l'enquête, il est apparu que les terroristes ayant frappé à Istanbul sont des ressortissants turcs lié à des groupes terroristes islamistes turcs, qui ont d'ailleurs pris la peine de revendiquer les attentats : le Front islamique des combattants du Grand-Qrient (IBDA-C) et le Hizbollah turc. Sans lien avec le mouvement chiite libanais du même nom, le Hizbollah turc est très connu en Turquie. Les Turcs se souvien­nent ainsi que cette organisation paramili­ taire aurait été instumentalisée par le gou­vemement turc pour mener, au début des années 90, des opérations de contre-gué­rilla contre le Parti des travailleurs du Kur­distan (PKK). De fait, le Hizbollah ne fut démantelé qu'au début de l'année 1999, juste après que le PKK eut été neutralisé par l'arrestation de son chef. Certains obser­vateurs en concluent que parmi les auteurs des attentats d'Istanbul, se trouvent des islamistes radicaux ayant bénéficié autre­fois de la complaisance, voire d'un soutien discret des autorités. Exit donc la thèse de la ver­tueuse Turquie frappée par des islamistes étrangers infiltrés sur son sol. Les ter­ roristes qui ont frappé en novembre sont bien "made in Turkey" et ce pays apparaît donc autant comme un foyer de l'islamisme armé que comme une victime de celui-ci.

La Turquie, nouveau foyer de l'islamisme armé

On pourra nous rétorquer que la nationalité turque des terroristes ne suffit pas à écar­ter l'hypothèse selon laquelle ils voulaient s'en prendre à leur propre État, honni pour son "modèle laïc", son "gouvemement tolé­ranf', etc. Il est vrai que le cas de terroristes frappant leur propre pays est d'une grande banalité. Cependant, en l'espèce, cette thèse ne tient pas davantage. En effet, les terroristes n'ont pas choisi leurs cibles au hasard. Ils ont d'abord frappé deux synagogues, puis les bâtiments abritant respectivement le consu­lat de Grande-Bretagne et la banque bri­tannique HSBC. De leur point de vue, ils ont donc frappé - directement et symbolique­ment - deux puissances étrangères: la Grande-Bretagne et Israël. La première se trouve être le principal soutien des États­Unis en Irak. Et la seconde est haïe pour le conflit qui l'oppose au peuple palestinien. Les attentats d'Istanbul s'expliquent donc davantage par l'actualité géostratégique du Moyen-Orient que par des questions intemes. En effet, dans cette demière hyp­thèse, les terroristes auraient, de préfé­rence, fait sauter des bâtiments officiels turcs, où ceux d'associations militantes ou de partis laïcs. Mais tel n'a pas été leur choix. En conséquence, il apparaît que la Turquie n'a pas été la cible d'attentats terroristes mais qu'elle en a plutôt été le théâtre. Et qu'elle en a été le théâtre parce qu'elle est, n'en déplaise à MM. Straw ou Fisher, un foyer de l'islamisme armé. Voilà pourquoi, loin de nous conduire à accélérer le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, les attentats d'Istanbul devraient nous pousser à y renoncer. .

(1) Relève politique, BP 25, 75518 Paris cedex 15
Un exemplaire gratuit sera envoyé contre 3 euros en timbres à toute personne se réclamant de La Voix des Français.

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