Quarantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie Colonialisme et devoir de mémoire

Quarantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie Colonialisme et devoir de mémoire


Par le Général Paul Arnaud de Foïard,

Grand Officier de la Légion d’Honneur,
membre du comité d’honneur de Voix des Français


Le 5 juillet 1961 l’Algérie accédait à l’indépendance. Il est dans l’ordre naturel que la marque de l’évolution de tout être et de tout organisme vivant aboutisse à la maîtrise de son destin. L’individu devenu adulte a non seulement le droit mais le devoir d’assumer cette autonomie. Les collectivités humaines, comme les individus, sont des organismes vivants et participent donc à cette nécessité d’indépendance. Les courants culturels dits progressistes, négligeant la phase préalable d’acquisition d’une certaine maturité, ont voué le colonialisme à un discrédit sans nuance l’assimilant à une exploitation de l’homme par l’homme lorsque ce n’était pas à de l’esclavagisme. Cette condamnation n’est que la manifestation d’un sectarisme aveugle, critère de la pensée marxiste. Le Maréchal Lyautey formulant la conception française du colonialisme l’a pourtant exprimé clairement. Le but de la présence coloniale n’est que de permettre aux peuples colonisés d’acquérir la capacité d’être responsables de leur destin. Dans une large mesure cet investissement humain peut être tenu pour une des meilleures formes d’aide aux pays en instance de développement [...]. Il faut reconnaître que la France sut faire preuve dans sa présence coloniale d’un réel souci d’humanisme. Le nier relève de l’ignorance volontaire de l’action de nos colons et de nos forces armées et d’une partialité primaire à laquelle l’Histoire rendra justice.

[...] Pour ce qui concerne l’Algérie, le bilan d’un siècle de tutelle coloniale, débutée le 5 juillet 1830 par la capitulation du dernier régent turc, le dey Hussein, devant le corps expéditionnaire du général de Bourmont, exactement cent deux ans avant la date de son accès à l’indépendance laissait le pays dans une situation favorable à une bénéfique évolution. L’agriculture était florissante, la suffisance alimentaire assurée, l’infrastructure économique interne, notamment pour ce qui concerne les communications, en bon état, les découvertes de sources d’hydrocarbures garantissaient des revenus financiers très confortables : 4 à 5 milliards de dollars à la fin des années 50, portés à 15 milliards lors du choc pétrolier de 1974 . Certes la population européenne monopolisait la détention du pouvoir politique et se réservait la meilleure part de ses richesses ; on peut regretter que les colons pieds noirs n’aient pas été plus ouverts à la nécessité d’un meilleur partage de la conduite des affaires. Certains toutefois percevaient cette obligation historique. Mais surtout, si le chef de l’État, le Général de Gaulle, dans sa précipitation à se “débarrasser du fardeau algérien ”, plutôt que de tenir son armée dans l’ignorance de la finalité de sa politique l’avait associée à la réalisation d’un partage des responsabilités politiques, il est vraisemblable que les choses auraient connu une évolution moins dramatique.

En effet, alors qu’il existait d’autres interlocuteurs possibles, d’incompréhensible façon, le pouvoir fut remis aux adversaires que notre armée avait reçu mission de combattre.

C’est ainsi que les hommes du FLN, pétris de l’idéologie sectaire, totalitaire, économiquement utopique du marxisme, devinrent détenteurs de la plénitude du pouvoir lors de l’accès de l’Algérie à l’indépendance. L’arbre du communisme, intrinsèquement pervers en raison des malheurs inouïs dont il accabla l’humanité, allait produire les mêmes fruits. Dès la signature des accords d’Évian, annonce de l’indépendance, le 19 mars, le drame débuta. Et le devoir de mémoire, tant célébré actuellement, exige que l’atrocité des drames liés à ces événements demeure bien présente à l’esprit de nos concitoyens.

Préalablement il importe de souligner que les véritables crimes contre l’humanité qui furent alors commis ne sont pas imputables au peuple algérien lui-même, mais aux seuls responsables politiques du FLN détenteurs du pouvoir. Alors que les représentants s’étaient engagés à Évian à mettre fin aux opérations militaires et à assurer aux Français de souche désirant rester en Algérie « pendant un délai de trois années protection de leurs personnes et de leurs biens et participation régulière à la vie de l’Algérie », dès l’annonce de l’indépendance, à Oran 500 de nos compatriotes sont massacrés au cours d’une véritable chasse à l’homme, et sans que nos troupes, sur ordre du Général Katz, ne s’opposent à la curée. Ce fut le début d’un enchaînement d’assassinats et d’enlèvements tels que le nombre d’Européens et de Français musulmans victimes du conflit algérien représente après le 19 mars, six fois plus de pertes que durant toute la période officielle de guerre. Au 31 décembre 1962, e bilan officiel des Français disparus en Algérie s’élève à plus de 3000 personnes. Ce nombre a certes été contesté, toutefois à la fin de l’année 1962, la Croix Rouge avait reçu 4500 demandes de recherches concernant des Européens disparus. Il s’agissait d’un véritable génocide planifié ainsi qu’en rendit compte le général de Menditte commandant le corps d’armée d’Alger : “depuis le 1er mai les enlèvements d’Européens à Alger et dans la Mitidja se développent à un rythme qui ne fait que s’accentuer dévoilant en fait un plan concerté du FLN ” . [...] Mais les responsables du FLN furent encore coupables d’autres inexpiables méfaits. Ainsi quel sort fut celui des combattants de notre armée faits prisonniers, car sans doute y en avait-il ? Quelle protection leur procura notre gouvernement ? Il semble qu’à cet égard nous puissions éprouver une lourde inquiétude. Mais le crime le plus sordide fut le sort épouvantable que connut la force supplétive autochtone, les harkis, qui, confiants en notre parole, combattirent à nos côtés, devenant nos frères d’armes. Dès la signature des accords d’Évian, ils furent désarmés sur ordre de notre gouvernement et livrés au bon vouloir, c’est-à-dire à la vengeance des maîtres du pouvoir, leurs adversaires de la veille. Ils furent victimes d’une effroyable cruauté. Lors de spectacles macabres, des tortionnaires du régime leur firent subir des tourments diaboliques, tandis que nos forces armées recevaient l’ordre invraisemblable de ne pas intervenir. Déjà en Indochine l’Armée française avait été confrontée à un tel drame. Alors que son éthique lui impose de ne jamais laisser un frère d’armes blessé tomber aux mains de l’ennemi elle devait ainsi vouer à une mort atroce un nombre considérable des siens auxquels elle avait du préalablement retirer les moyens de défendre. C’était ainsi condamner les membres de notre Armée à déroger au code de l’honneur. Il faut que nos concitoyens sachent qu’aucun des cadres de notre Armée qui eut à subir une telle blessure ne peut pardonner à ceux qui lui infligèrent. Elle demeure comme un affront indélébile dans la carrière des praticiens du métier des armes de cette génération. Elle est sans doute une cause majeure dans la décision de ceux des nôtres qui s’insurgèrent contre le pouvoir légal.

Il ne faut hélas pas compter sur la justice de notre pays pour sanctionner de tels méfaits. En effet la Cour de Cassation considère que tout crime de masse commis avant 1994, date où le code pénal français a pris en charge les crimes contre l’humanité, n’est pas recevable, à l’exclusion de ceux commis durant la seconde guerre mondiale, en raison des dispositions arrêtées par le tribunal de Nuremberg. Ainsi seuls les crimes des nazis sont condamnables, les atrocités communistes, bien plus nombreuses et causes de tant d’invraisemblables malheurs échappent à la justice. C’est ainsi que le sinistre Boudarel, traître à son pays et tortionnaire de quantité de nos soldats prisonniers du Viet Minh peut vivre libre, titulaire de surcroît d’une chaire de faculté acquise grâce à la protection de ses complices marxistes de l’Éducation Nationale. Il en est de même des « porteurs de valises » qui en apportant assistance aux adversaires de notre armée dans ce qui fut reconnu comme étant une guerre, commirent un crime de traîtrise caractérisé.

Le peuple algérien allait payer très cher la remise du pouvoir au FLN. Dès le début de l’indépendance une meurtrière guerre civile opposa l’armée de l’intérieur constituée des authentiques combattants pour l’indépendance à celle de l’extérieur, dite Armée de Libération Nationale (ALN) qui s’était tenu à l’abri des coups de forces derrière les frontières tunisienne et marocaine, pour entrer en Algérie après le 19 mars. Alors que la première formée principalement des willayas kabyles était fondamentalement nationaliste, l’ALN était soumise à l’idéologie marxiste, soutenue et puissamment armée par l’Union Soviétique. Elle l’emporta et imposa son idéologie , portant ses chefs à la tête de l’Etat algérien, Ben Bella et Houari Bou Médienne. Ils commirent toutes les erreurs stratégiques propres au communisme : gaspillage de l’argent facile procuré par la manne pétrolière , étatisation de l’économie, politique de subventions plutôt que de productivité, investissements stériles, planification étatique tuant l’initiative individuelle, auxquels il faut ajouter une arabisation anarchique et de surcroît une absence de politique démographique, qui en 40 as porta la population du pays de 8 à 30 millions d’habitants, sans que soient acquis les moyens de satisfaire leurs besoins. Le résultat se constate dans la situation catastrophique de la malheureuse Algérie : une situation économique alarmante engendrant une pauvreté intolérable, une agriculture ruinée, un taux de chômage destructeur de toute espérance en l’avenir pour une abondante jeunesse, la dissidence des Kabyles déterminés à faire reconnaître leur personnalité à un pouvoir central totalitaire, les crimes démentiels d’islamistes intégristes entendant imposer par la terreur leurs conceptions religieuses. Nous ne pouvons que déplorer un tel échec de l’indépendance algérienne sans commettre pour autant l’erreur de nous immiscer dans la conduite des affaires de ce pays souverain. Les hommes du FLN qui sont actuellement au pouvoir ont évolué par rapport à ceux qui commirent les crimes impardonnables d’hier, dont ils ne peuvent assumer la responsabilité. Il apparaît par contre indispensable de chercher, dans la limite de nos moyens, à aider ce peuple frère à trouver un équilibre social et économique satisfaisant. Car au-delà d’une communauté d’existence de 130 ans et l’attachement qu’un million de nos concitoyens éprouvent pour ce pays qu’ils travaillèrent à mettre en valeur, nous avons à faire face à un destin commun. Dans la marche des affaires du monde le bassin méditerranéen constitue en effet un ensemble géostratégique qui conditionne l’équilibre politique et économique de ceux qui en font partie, et dont leur avenir. La France et l’Algérie bordent ce brillant berceau civilisateur de l’humanité. Il aura sans doute encore demain un rôle important à jouer dans le cadre de la refondation que connaît actuellement le monde [...].

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