LOI SUR LE GÉNOCIDE ARMÉNIEN :


une régression civilisationnelle
En votant la proposition de loi Boyer sur la répression de la négation du génocide arménien, le Parlement français a commis une double atteinte : à la liberté d’expression et à l’esprit européen. Au XIXe siècle, la bataille politique en France s’est concentrée sur la liberté d’expression et d’opinion. L’arbitrage final a été rendu par la grande loi de 1881 sur la liberté de la presse. Son article premier est lumineux : « L'imprimerie et la librairie sont libres ». Ce principe rencontrait alors peu d’exceptions : certes, la diffamation était poursuivie par le Code pénal, mais dans un cadre procédural très strict et très protecteur des libertés. En dehors des périodes de guerre et de troubles civils, ce dispositif protecteur des libertés a duré près d’un siècle.


RÉGRESSION DES LIBERTÉS
Il a été profondément bouleversé en 1972 avec le vote de la loi Pleven. Sous prétexte de lutter contre le « racisme », le délit d’opinion a été rétabli en France et, dans les faits, les débats libres sur l’immigration ont été rendus difficiles.


Nouvelle entorse à la liberté en 1990, avec la loi Gayssot, créant le délit d’opinion historique à propos de la « shoah », loi aboutissant à mettre en prison des hommes (Vincent Reynouard, récemment) sur le seul fondement d’un délit d’opinion. Le fait que ces opinions soient réputées odieuses ne sont pas un argument justificatif : ni M. Trotski, ni M. Lénine, ni M. Hitler, ni M. Staline, ni M. Mao n’ont déporté des gens dont ils trouvaient les idées sympathiques. Ce sont évidemment les gens qui tiennent des idées jugées odieuses dont la liberté a besoin d’être protégée ! Soutenir l’inverse, c’est adopter une attitude totalitaire.
En 2001, précisément, nouvelle avancée du totalitarisme avec la loi Taubira tendant à créer un délit d’opinion sur la traite négrière transatlantique (la traite méditerranéenne, orientale et musulmane n’étant pas concernée). Dans la foulée, l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau est poursuivi devant la justice pénale.
Ajoutons que les filets protecteurs de la procédure de diffamation sont progressivement abrogés : impossibilité d’offrir des preuves, refus de reconnaître la bonne foi, allongement des délais de prescription.

RÉGRESSION CIVILISATIONNELLE
Cette formidable régression des libertés s’accompagne d’une régression civilisationnelle. A travers l’antiquité gréco-latine, la première Renaissance des XIIe-XIIIe siècles, la grande Renaissance du XVe siècle, la pensée européenne a toujours distingué deux ordres de vérité :
- les vérités religieuses, où le dogme s’impose comme article de foi ;
- les vérités scientifiques ou historiques, qui se déterminent par le libre débat.
Dans ces domaines, peut être dit vrai (ou faux) ce qui est librement réfutable. Philosophiquement, un fait, une opinion, un point de vue, une analyse qui ne peut être librement réfuté ne peut être dit ni vrai, ni faux (sauf dans l’ordre religieux). Ainsi, les lois mémorielles transforment-ils des événements historiques en dogmes religieux. C’est une formidable régression.
En retirant des pans entiers d’histoire au libre examen, les lois mémorielles (Gayssot, Taubira ou Boyer) ne sont pas seulement des atteintes à la liberté d’expression, ce sont aussi des fautes contre l’esprit.

Jean-Yves Le Gallou

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