ISLAM EN PRISON


Les prisons françaises au bord de l’explosion

Par Claude Lorne Collaboratrice de Polémia

Les prisons françaises sont confrontées à une surreprésentation des détenus d’origine immigrée et de confession musulmane. Etat des lieux.


Le 28 avril, le comédien Samy Naceri était condamné à cinq ans de prison, dont seize mois ferme, pour avoir tenté d’égorger l’ami de son ex-compagne, qui tentait de protéger celle-ci. Verdict clément, compte tenu du passé de multirécidiviste de l’acteur maghrébin, vedette de la série de films Taxi, puis de la production algérienne Indigènes qui lui avait valu un prix collectif d'interprétation masculine à Cannes en 2006. « Toxicomane et alcoolique »

selon les décisions de justice déjà rendues, Naceri a en effet multiplié les actes de violence et, au moment de son dernier fait d’arme (blanche), il venait de sortir de prison, où il avait purgé une peine pour avoir percuté un policier à Paris alors qu'il conduisait sans permis. « Parmi les faits figurant à son casier ouvert en 1975, il a aussi été condamné en septembre 2007 à une peine de 10 mois ferme pour avoir fracassé un cendrier en verre sur le visage d'un styliste », rappelait également l’AFP en annonçant toutefois que Samy Naceri échappera au cul-de-basse-fosse, « puisqu'il a déjà purgé une partie de la peine en détention provisoire ».

 



SURPOPULATION CARCÉRALE OU SURREPRÉSENTATION CORANIQUE ?


On en est bien soulagé pour lui puisque, selon « L’Etat des droits de l’Homme en France » publié par la Ligue de même farine le 28 avril également sous le titre La République défigurée (éd. de La Découverte), et autour duquel les media ont mené comme de bien entendu grand tapage, la « zonzon » [ndlr : prison] serait un affront national. Ce qui ressortait déjà du rapport de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, selon lequel « les principes républicains n’y sont pas respectés ». Notamment « le principe de laïcité, qui garantit le libre exercice des cultes », qu’il urge selon lui d’«adapter à une plus grande diversité des pratiques ». Et, dans ce rapport (paru au Journal officiel du 17 avril), le contrôleur général de « recommander que les personnels des prisons puissent bénéficier de formations adéquates afin de respecter la liberté de culte des détenus ». Cependant que Philippe Auzenet, responsable du site « Prisons–2011 », prévoit l’explosion des prisons françaises « à cause de la surpopulation : 61.428 détenus en novembre 2010, pour 56.500 places, du jamais vu », entassement qui « devient totalement inhumain, dégradant, et rejoint les conditions de l'esclavage, pourtant aboli par la France en 1848 ».
Mais si, selon le site, le taux moyen de surpopulation dans les maisons d’arrêt françaises est « de 140 % (…) pour une moyenne de 102 % en Europe », ne serait-ce pas parce que notre pays abrite aussi la plus importante population allogène, naturalisés compris, et aussi – Albanie et Kossovo exceptés – la plus importante communauté musulmane d’Europe ?
Ce n’est pas nous qui le disons, mais Missoum Chaoui, responsable de l’aumônerie pénitentiaire d’Ile-de-France, qui avance le chiffre de 65 % de détenus musulmans dans les prisons françaises. Chiffre optimiste. Dès 2004, le sociologue iranien Farhad Khosrokhavar, enseignant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, estimait dans son livre L’Islam dans les prisons (éd. Balland), que « 50 % à 80 % des détenus dans les établissements proches des grands centres urbains et des quartiers sensibles sont musulmans », ce qui, selon lui, faisait déjà de l’islam « la religion majoritaire dans les prisons françaises »… alors que les musulmans ne représentaient officiellement à l’époque que 7 % à 8 % de la population française.
« En fait, les musulmans en prison désignent surtout les habitants masculins des banlieues, parmi lesquels les jeunes, entre 18 et 35 ans, forment la grande majorité », notait de son côté le quotidien Washington Post dans un reportage paru le 29 avril 2008 et consacré à « la surreprésentation des prisonniers musulmans dans le système carcéral français, en particulier par rapport à ses voisins européens ». Par exemple, à la maison d'arrêt de Sédequin (Lille), qui abrite, selon les périodes, 70 à 80 % de détenus musulmans. Et où, en cas d’été chaud, la situation risque en effet d’être explosive, vu l’entassement des pensionnaires.

 


EN ALGÉRIE, 22 DÉTENUS PAR CELLULE


Ce qui n’empêche pas nos établissements pénitentiaires d’apparaître comme « des prisons-hôtels ». En tout cas, vus d’Algérie – comme on l’apprenait le 13 avril à la lecture sur le Bondy Blog des mésaventures de Salim B., Français d’origine algérienne, qui, à l’issue de vacances au pays en août 2009, avait tenté de rentrer en France avec 140 kilos de résine de cannabis à bord de son véhicule. Forfait qui lui avait valu en janvier 2010 la réclusion à perpétuité devant un tribunal algérien, sentence vite confirmée en cassation. « Une peine démesurée par rapport à l’infraction commise. Mais telles sont les peines applicables pour ce genre de délits en Algérie », déplore le Bondy Blog qui note qu’en France, « Salim aurait pris, pour les mêmes faits, douze ans maximum sans compter les remises de peines et les conditionnelles », avant de détailler les déplorables conditions carcérales imposées au condamné à « perpète » : « Pas de nourriture, pas de linge propre pour se vêtir ou pour dormir. Rien ! Ce ne sont pas les “prisons-hôtels” de France, où les détenus sont nourris, logés, blanchis et peuvent même travailler. Lui est dans une cellule de 4 mètres de large et 15 de long, avec 22 codétenus. Ils dorment à même le sol… » Et même le « geste fort » de sa fiancée, Typhanie, blonde et ravissante secrétaire médicale qui s’est convertie à l’islam, car elle escomptait ainsi obtenir un droit de visite, est resté vain. Seul espoir restant : une intervention pressante (et sans doute sonnante et trébuchante) de Nicolas Sarkozy auprès de son homologue Bouteflika afin que le « Français » bénéficie d’une grâce présidentielle.
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient imaginer, le Bondy Blog n’est pas un site nationaliste. Tout à l’inverse, il fut créé à Bondy, dans le « 9-3 », au plus fort des émeutes raciales de l’automne 2005 avec mission « de raconter la France de la diversité et d'être la voix des quartiers dans les débats qui animent la société française », selon Wikipedia, qui signale que la plupart de ses « jeunes journalistes-citoyens » sont « issus de l'immigration africaine et nord-africaine et résident en Seine-Saint-Denis ».

 



22, V’LÀ LES FLICS… DE COULEUR !


Raison pour laquelle, peut-être, ils se montrent parfois moins conformistes que leurs confrères de la grande presse, toujours prêts à soutenir les « jeunes » contre les pouvoirs établis en général et la police en particulier. Quelques semaines plus tôt, dans un papier du 30 mars sur les noirs et les Maghrébins de plus en plus nombreux à épouser la carrière policière, au point qu’on peut croiser des patrouilles « composées exclusivement de personnes “noires” et “arabes” », le site interrogeait des « enfants des cités ». Dont les réactions étaient pour le moins négatives. Zakaria trouvait ainsi que les « keufs » de couleur « font trop les malins, plus que les autres » (les blancs). D’ailleurs, ajoute Ramy, « au final, ils te prendront plus la tête que les autres flics… En général, dans un groupe de policiers, celui qui te cassera le plus les c... sera toujours arabe ou noir. » Christophe, d’origine antillaise, estime lui aussi que « ceux-là, ce sont les pires » : « Même s’ils m’ont rien fait et que je me fais rarement contrôler, je trouve que les renois et rebeus font plus les malins que leurs collègues blancs. » Confirmation de Mohamed : « Au lieu de faire leur métier normalement, ils vont en rajouter… Par exemple, une fois dans le train, il y avait un policier d’origine tunisienne qui m’a pris la tête. Ses collègues blancs s’en f... complètement de moi. Mais lui, il ne voulait pas me lâcher. »



Comme le remarque le site, voilà qui « casse un peu les clichés sectaires qu’on entend sur la police, surtout en banlieue (mais aussi ailleurs) ». En effet, mais reste à savoir pourquoi les media et une grande partie de la nomenklatura politique persistent à véhiculer ces clichés, si dangereux pour la paix civique. Est-ce leur complexe de culpabilité ou leur assujettissement au « politiquement correct » qui les pousse ainsi à tenir en toutes circonstances un discours antinational propre à légitimer toutes les dérives de ceux qui sont « chez eux chez nous » ? Il serait en tout cas vain d’attendre de ces belles âmes, si promptes à s’émouvoir, qu’elles se penchent enfin sur le sort réservé à la minorité non musulmane dans les prisons hexagonales. Il y aurait là un passionnant – et inédit – sujet d’enquête.

Le chiffre du mois :25


C’est, en kilos de drogue, ce qu’écoulait chaque semaine, dans une seule cité du XIVe arrondissement de Marseille, une bande de criminels d’origine immigrée. Au total, vingt-et-un prévenus sont passés devant le juge, fin mai. Dans une ambiance souvent électrique, la présidente a tenté de définir le rôle de chacun d'entre eux, s'appuyant sur des écoutes réalisées en 2010 par les enquêteurs de la brigade des stups. Dans cette affaire, il y avait les « têtes » : deux frères, Kader et Abdelhakim S., et Sami T., tous trois en fuite. Et les petites mains : les « guetteurs », chargés de surveiller la cité, les « charbonneurs », c'est-à-dire les vendeurs, et les « nourrices », ceux qui gardent l'argent.
Une personne sort du lot. Il s'agit de Ramzi T., présenté comme un « lieutenant » chargé d'ouvrir, de fermer le « commerce » et de payer les guetteurs. « Reconnaissez-vous votre participation au trafic de stupéfiants ? », lui demande d'emblée la présidente. « Mon rôle s'est arrêté à vendeur. Je ne suis pas un lieutenant, martèle-t-il. Je reconnais les faits, mais je ne veux assumer que ce que j'ai fait, et ne pas payer pour les autres, a-t-il insisté. Tous les gens qui sont devant vous, ils ont fait quelque chose. Il n'y a pas d'innocents ici », a répété le prévenu. Ce trafic de cannabis, démantelé en mai 2010, existait depuis environ neuf ans, indique une source proche du dossier. Chaque jour, près de 200 à 300 clients se seraient rendus au point de vente. Cela aurait rapporté entre 8.000 et 15.000 euros par jour pour environ 25 kg de stupéfiants écoulés par semaine.

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