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TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

1La prostitution africaine étend ses réseaux en France

Des groupes criminels venus d’Afrique ou d’Asie profitent de la porosité des frontières européennes pour établir des réseaux de proxénétisme sur notre sol. Le phénomène prend de plus en plus d’importance.

Le 4 juin, à Strasbourg, un pasteur originaire du Nigeria a été interpellé pour proxénétisme. Deux femmes de vingt-six et trente-quatre ans, soupçonnées de jouer les « mamas » nigérianes, et un homme de trente-six ans ont également été arrêtés. Ce coup de filet a permis de faire considérablement avancer le dossier du proxénétisme dans le Bas-Rhin. Les enquêteurs ont découvert, selon le site Rue89 du 12 juin 2013, « l’existence de liens structurels entre les responsables du réseau et les dirigeants des Eglises Béthel et Reedem- Church implantées à Strasbourg, influentes dans la communauté nigériane ».

 

Les femmes étaient contraintes de verser une contribution financière alimentant une comptabilité parallèle destinée à soutenir les membres de la communauté. L’argent des filles était perçu par le pasteur de l’Eglise Béthel. Les policiers sont maintenant presque sûrs que ces Eglises sont « des points de convergence des prostituées nigérianes », via des filières d’immigration illégale. Au niveau national et européen, cette affaire relance le problème du trafic d’êtres humains en provenance d’Afrique noire.
Selon l’hebdomadaire L’Express, le phénomène remonte à la fin des années 1980, avec l'arrivée en Europe des premières prostituées originaires d’Afrique. Venues en « indépendantes », les pionnières s'installent en Espagne et en Italie, avant de s’étendre à toute l’Europe – y compris la France – en moins de dix ans.
En quelques années, ces prostituées ont amassé un pécule confortable, réinvesti dans leur pays d’origine, où elles ont alors pu mener grand train : voitures, villas, bijoux, vêtements de luxe…
Pour pérenniser ce niveau de vie clinquant, mais fragile, certaines ont eu l'idée de profiter de leur expérience pour chaperonner d'autres candidates à l'exil. A Bruxelles, le commissaire Franz Vandelook raconte : « Au Nigeria, la sexualité n’est pas nécessairement liée à l’amour, au mariage et au couple. Il peut être normal d’utiliser son corps pour nourrir sa famille, ou normal qu’un homme d’affaires marié s’affiche en public avec une jeune fille. Tout le monde sait qu’il la paie, mais c’est socialement accepté. »


SITÔT GAGNÉ, L’ARGENT EST TRANSFÉRÉ AU PAYS...

Les pionnières de la prostitution en Europe sont donc revenues chez nous pour monter un réseau en enrôlant – voire en achetant – de jeunes femmes parfois trompées et contraintes à la prostitution, mais le plus souvent conscientes de ce qui les attendait. Attirées par l’argent facile, ces dernières sont également devenues de redoutables mères maquerelles, premières d’une longue série.
L'investissement initial, pour la « mama », est d'environ 10.000 euros : le prix à payer pour faire passer sa « fille » ou sa « nièce » par les filières d'immigration clandestine. « Les plus chanceuses, selon L’Express, prennent l'avion, munies de faux papiers. D'autres, confiées à des passeurs, voyagent pendant des mois à travers l'Afrique avant de parvenir à bon port. »
En Europe, les « mamas » vivent très discrètement, sans afficher le moindre signe de richesse. Sitôt gagné, l'argent des filles est transféré dans le pays d’origine. « Ce sont de formidables actrices, capables de paraître fragiles et timides, raconte le commissaire belge Franz Vandelook. Les jours de messe, à Bruxelles ou à Anvers, vous pouvez même les voir au premier rang de l'église ! Mais nos enquêtes prouvent qu'elles sont en réalité arrogantes, hautaines, et très dures avec les filles. »


DES ASSOCIATIONS AIDENT LES NOUVEAUX TRAFIQUANTS D’ESCLAVES

Grâce à un réseau de recruteurs, de marabouts, de logeurs et de surveillants, la « mama » assure le fonctionnement de sa filière, du point de départ au point d’arrivée. Comme dans l’affaire du pasteur du Bas-Rhin, certaines communautés religieuses africaines installées en Europe semblent truffées de complices de proxénétisme à grande échelle, voire de trafic d’êtres humains.
En 2012, à Toulouse, les policiers ont interpellé le président d'une association franco-nigériane, la « United Nigerian Association of Toulouse ». D'après l'enquête, celui-ci aurait fourni aux prostituées une aide au logement en connaissance de cause et contre rémunération. Avec l’aide de ses hommes de main, la « mama » gère le recrutement, le transport et l'hébergement de ses prostituées, mais aussi leur surveillance, les lieux où elles sont exploitées et même le choix des clients. Les gains de ces véritables esclaves sexuelles sont soigneusement vérifiés
Pour acheter son indépendance, une prostituée doit verser entre 45.000 et 60.000 euros à la proxénète. Le total représente plus d'un millier de clients, soit deux ou trois ans de travail sans bénéfice personnel, ni jours de repos.


DES PROSTITUÉES TENUES PAR LA SORCELLERIE

Une « mama » règne en général sur cinq ou six filles (parfois le double), exerçant sur elles une emprise physique et psychologique totale. En effet, avant de quitter leur pays, les jeunes femmes subissent un rituel vaudou en présence de tout le village. Elles doivent donner des objets personnels, des rognures d’ongles ou des cheveux, qui serviront à réaliser un gri-gri. Elles sont ensuite dénudées et barbouillées du sang d’un animal au cours d’une cérémonie publique.
Selon l’hebdomadaire Elle, « ce pacte de sorcellerie assure à la “mama” une loyauté inconditionnelle des filles et se révèle bien plus efficace que n’importe quelle autre technique de conditionnement psychologique ou de violence physique ». Outre la pression communautaire, les jeunes femmes sont persuadées de rester à distance sous la coupe des sorciers. Les proxénètes veillent à maintenir cette certitude, garante de la docilité des prostituées.
Une fois leur dette réglée, les filles sont « libérées » et peuvent travailler à leur compte et changer de vie. A moins, note Elle, qu’elles ne fassent venir une fille un peu plus jeune pour devenir « mama » à leur tour…
« Certaines "commandent" déjà une fille pour elles alors qu’elles ne sont pas encore affranchies de leur propre “mama”, constate Franz Vandelook. Elles deviennent parfois “mama” à 25 ans. C’est un statut social très envié. Elles deviennent des vedettes au Nigeria, où elles envoient tout leur argent. » Guy Parent, ancien patron de la brigade de répression du proxénétisme, se montre pessimiste sur l’endiguement de ce phénomène de traite des êtres humains : « Nous avons arrêté des centaines de “mamas”, mais sans parvenir à interrompre le cycle. C'est un puits sans fond. » Et ce phénomène d’esclavage moderne perdurera tant que la protection de nos frontières ne sera pas restaurée.

 

LA PROSTITUTION CHINOISE À PARIS

Une dizaine de membres de la communauté chinoise de Paris ont récemment été mis en examen puis écroués pour racket et proxénétisme. L’enquête, menée par la brigade de répression du proxénétisme, avait commencé en février 2011. Les enquêteurs de la police judiciaire avaient constaté qu’une dizaine de commerces de Belleville, dans le 19e arrondissement de Paris, tenus par des ressortissants chinois, faisaient l’objet d’extorsion de fonds.
Parmi les suspects identifiés, les policiers avaient notamment ciblé un homme de 50 ans, qui tenait plusieurs salons de massage à Paris, mais aussi à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine, et Deauville, en Normandie. Les investigations ont permis de déterminer que, sous couvert de « massages », ces salons proposaient en réalité les services de prostituées. La prostitution de femmes chinoises, plus discrète que celle des Slaves et des Africaines, prend une place de plus en plus importante à Paris : selon les estimations de la police et des associations humanitaires, on compterait entre 300 et 600 prostituées, généralement arrivées sur notre territoire par des filières d’immigration illégale. Dans les quartiers populaires, les Chinoises arpentent les rues dans des tenues discrètes, afin de ne pas attirer l’attention des forces de l’ordre. Beaucoup vont également chez les clients, via des contacts établis par Internet. En cas d’agressions, elles ne peuvent porter plainte, de peur de trahir leur proxénète et d’en subir les représailles. La brigade de répression du proxénétisme dénombre approximativement 200 « salons de massage » chinois à Paris – dont 70 % proposeraient des services sexuels. La plupart des prostituées se vendent sous la contrainte, notamment pour rembourser (au centuple) les frais de leur arrivée clandestine en France ou en Europe. Là encore, le laxisme et l’angélisme de nos politiques est la cause de la vie infernale de ces victimes de la traite des êtres humains.

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